Nous nous sommes rendus dans la ville de Hsipaw ayant en tête l’idée de marcher dans des villages où vivent des minorités mais sans trop avoir d’attentes. Nous pensions qu’une seule journée suffirait car nous avions la crainte de ne pas se sentir bienvenus au sein des villageois comme ce fut le cas par le passé lors d’une randonnée dans le nord de la Thaïlande. Toutefois, nous avons fait la rencontre en cours de route de Français qui allaient passer la nuit dans un village et leur engouement nous a motivés à partir avec eux. C’est donc en compagnie de quatre Français, deux Anglais et de notre guide Djodjo que nous avons entrepris ce trek de deux jours au pays des
Shan et des
Palaung chez qui nous passerions la nuit. Même s’ils vivent tout près les uns des autres, ces deux ethnies ne parlent pas le même dialecte. Avec notre meilleur accent, on leur lançait un « My-sum-ka » (en Shan) ou un « Com-sa » (en Palaung) au passage. Vous l’aurez deviné, ça signifie « Bonjour ».
Sous une chaleur accablante, nous avons traversé des rizières et des plantations de thé à flan de montagne, ces dernières constituant un élément essentiel à l’économie des Palaung car ils en exportent. Le thé d’ailleurs comporte trois différents usages : le thé vert, le thé noir et les feuilles sont la base d’une salade de feuilles de thé, délicieux mets traditionnel de la région.
J’appréhendais quelque peu notre arrivée chez les Palaung mais Djodjo, m’expliqua dans un anglais tout à fait décent, qu’au contraire, les villageois seraient extrêmement contents de nous recevoir. Pour eux, dans leur communauté où il n’y a ni frigo ni télé, les touristes qui les visitent leur offrent une fenêtre sur le monde. Nous avons vu de vieilles dames qui n’étaient jamais sorties de leur village. Il semble qu’avant la venue de touristes, il y avait du travail forcé dans la région et que le tourisme a contribué à sa disparition. Ça leur porte chance! Je dois admettre que ses paroles ont fait diminuer mes inquiétudes pour enfin totalement disparaître à l’approche du village. Tous les personnes rencontrées en chemin, hommes, femmes, enfants, vieillards faisaient montre d’une grande amabilité à notre égard et semblaient éprouver un réel plaisir à venir à notre rencontre.
Lors de notre arrivée à Pankam, 700 habitants, nous avons chaleureusement été accueillis dans la maison du chef du village où on nous a tout de suite servi un copieux et délicieux repas. N’ayant pas de frigo, ils mangent très peu de viande et leur alimentation est constituée d’une grande variété de légumes toujours frais. Après une petite sieste, le chef nous a fait visiter les environs. Certaines femmes nous ont même demandé de les prendre en photo pour se regarder et rigoler ensuite. Dans les maisons, je constate avec étonnement que la photo d’
Aung San Suu Kyi, lauréate du Prix Nobel de la paix en 1991, est souvent accrochée au mur. Le chef était très fier de nous parler du réservoir d’eau fourni par le
PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement – qui est un bienfait pour la population. C’est aussi le PNUD qui a construit l’école et fourni les manuels scolaires. En soirée, une cérémonie bouddhiste avait lieu au monastère adjacent à la maison où nous logions.
Djodjo est né en 1948 soit, l’année de l’indépendance se plaît-il à dire, et il a appris l’anglais à l’école. Avec l’avènement de la dictature en 1962, ce fut la fin des cours d’anglais, le début de la censure, le moment où le Myanmar, Birmanie à l’époque, fut coupé du reste du monde. Ces dernières années, la junte militaire a perdu des plumes et le pays est en voie de démocratisation. En juin dernier, il y a eu abolition de la censure, autorisation des manifestations, élection comme députée d’Aung San Suu Kyi et le président actuel, Thein Sein, a promis la libération prochaine de tous les prisonniers politiques, ceux-ci avaient été évalués à 2000 au moment de la dissolution de la junte en 2011. Est-ce de la poudre aux yeux? Je ne sais pas. Je ne maitrise pas suffisamment le sujet mais je me dis que des jours meilleurs sont à venir.
Les Birmans fondent beaucoup d’espoirs dans la prochaine élection présidentielle prévue en 2015. Il semble que 90% de la population soit en faveur du
LND – Ligue Nationale pour la Démocratie – dirigé par Aung San Suu Kyi. Ici, on y fait allusion en tant que
The Lady, comme dans le film du même nom de Luc Besson sorti en 2011 qui, soit dit en passant, est un très bon film consacré à la vie de cette grande dame. On dit qu’elle a déjà fait beaucoup pour le pays même si elle n’en est pas le leader.
Depuis que nous voyageons au Myanmar, je trouvais dommage le fait de difficilement pouvoir entrer en contact avec les Birmans car la majorité d’entre eux parlent peu ou pas anglais. Je m’aperçois que d’avoir fait cette randonnée nous a permis d’en apprendre plus sur la population en général, sur leur façon de vivre, leurs croyances et leurs opinions. Et tout ça, en excellente compagnie!
En quittant la maison, la femme du chef nous a appliqué un
thanakha sur le visage. Beaucoup de Birmans utilisent cette pâte, faite à partir d’un arbre, qui combine les fonctions de soin hydratant, d’écran solaire et de maquillage.
Ge-su-tin-ba-de! Merci!
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